Un acteur institutionnel du tourisme (OT, CDT CRT…) a-t-il intérêt à devenir un affilié de Booking.com pour vendre en ligne les hébergements de son territoire ?
C’est quoi une Marque Blanche Booking.com ?
Booking.com propose depuis plusieurs années de mettre à disposition de sites partenaires (des affiliés) son moteur de réservation et l’offre qu’il contient. La finalité pour Booking est de développer ses ventes en augmentant son audience via des sites tierces.
La marque blanche est la duplication du moteur de réservation « Booking.com » mise aux couleurs du site de l’affilié et paramétrée au niveau de l’offre (zone géographique et /ou listing d’hébergement) afin de faire remonter sur le moteur de réservation, seulement l’offre souhaitée.
A ce jour Booking.com compte environ 5000 affiliés et parmi eux certains acteurs du tourisme institutionnel… et pas des moindres : l’office de tourisme de New York, de San Francisco ou encore de Rio (en autres).
Le deal est simple, Booking fournit le moteur de réservation et gère l’intégration, l’affilié, lui, ne s’occupe de rien et reçoit un pourcentage du montant de la commission prélevée par Booking.com sur chaque réservation réalisée sur son site (40 % de montant de la commission pour l’OT de New York par exemple).
Ce partage de la commission entre Booking.com et ces affiliés est variable en fonction du volume de ventes, de la notoriété de l’affilié, etc. bref, c’est au cas par cas (plus d’info ici).
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Ce sujet a fait l’objet de pas mal d’articles sur les blogs spécialisés en fin d’année dernière, notamment suite à l’intervention d’Alain Larouche de l’organisme de promotion touristique des Cantons de l’Est au Canada, lors des dernières rencontres du e-tourisme institutionnel à Pau, qui a largement plébiscité ce modèle (synthèse ici) et qui a suscité après-coup une petit vague d’indignation. J’ai eu envie de revenir sur ce sujet pour le traiter de manière très pragmatique (avantages, inconvénients et synthèse).
Les avantages de ce modèle « d’affilié Booking.com » pour les acteurs Institutionnels :
- Coté « client », l’outil a fait ses preuves ! L’interface de réservation est efficace, les internautes la connaissent et lui font confiance, elle est accessible en 41 langues, etc.
- L’offre hôtelière présentée est quasi exhaustive (80 % de l’hôtellerie classée en France est présente sur Booking !). Dans la plupart des destinations touristiques françaises, aucun CRS (Central Réservation System) de type RéservIT, AvailPro ou autre, ne peut prétendre à autant d’exhaustivité.
- L’acteur institutionnel « affilié » devient apporteur d’affaires pour Booking.com et à ce titre, il n’a pas à suivre les disponibilités pour s’assurer qu’il a du stock, il n’a pas à négocier avec les hébergeurs pour avoir des bons tarifs, bref il n’a pas à s’occuper de l’offre pour la vendre !
- Ce modèle ne coute rien, il rapporte de l’argent ! Évidement c’est l’argument fatal : pas de coût technologique, pas de frais de personnel, pas de frais de maintenance, mais à l’inverse, une rétribution d’une partie de la commission prélevée par Booking sur chaque vente réalisée sur le site institutionnel, ce qui peut constituer une source de revenu non négligeable.
Les inconvénients de ce modèle « d’affilié Booking.com » pour les acteurs Institutionnels :
- Éthiquement parlant, ce modèle place l’acteur Institutionnel dans une position très, très difficile à défendre du point de vue des hébergeurs, en particulier dans le contexte actuel…. Mettez-vous dans la peau du chargé de mission de l’office de tourisme qui va expliquer aux hôteliers de son territoire que chaque réservation réalisée sur le site de l’OT, leur coûtera 17 % car en fait c’est Booking qui vend … mais qu’heureusement, l’OT en prend une partie !
- Le manque d’exhaustivité de l’offre en dehors de l’hôtellerie. Même si nombreux sont les résidences de tourisme, chambres d’hôtes et villages vacances qui utilisent Booking.com, dans la plupart des cas, une marque blanche Booking.com ne peut prétendre vendre toutes les formes d’hébergements que possèdent un territoire. Je pense en particulier aux locations de vacances, ou encore aux campings qui ne semblent pas disposés pour l’heure à travailler avec Booking.com (cf. Charte de la FNHPA) et je ne parle même pas de l’offre de loisirs qui n’est pas concernée.
- Le fait de déléguer la commercialisation de l’offre à un opérateur privé, dépossède l’acteur institutionnel d’une fonction très importante qui lui permet de faire du « marketing produit » avec des offres réservables en ligne, et de fait, d’avoir un lien fort avec son offre et potentiellement beaucoup de crédibilité.
Alors au final ?
Pour moi, il s’agit d’une solution “de facilité” pour les acteurs institutionnels, qui certes, fonctionne bien du point vue client et en prime apporte des revenus à la structure, mais qui ne défend pas les intérêts des hébergeurs, bien au contraire.
Rappelons tout de même que Booking.com ne donne toujours pas de droit de réponse aux hébergeurs concernant les avis clients qu’il publie, qu’il achète en lien sponsorisé le nom de chaque établissement qu’il commercialise pour capter toujours plus de clientèle y compris celle qui connait déjà l’établissement et qui pourrait logiquement réserver en direct, sans parler de la parité tarifaire, du programme « hôtel préféré », ou de l’optimisation fiscale du groupe Priceline …
Toutefois, si l’on prend un peu de recul et que l’on considère ce que représente la mise en œuvre d’un système de commercialisation à l’échelle d’une destination : coûts technologiques, moyens humains, difficulté de mobiliser les hébergeurs (hé oui, il faut le dire aussi !), … on peut aussi entendre l’argument qui consiste à dire : « J’arrête de mettre mon énergie et une partie de mon budget sur la commercialisation pour un retour sur investissement désastreux, je passe par Booking.com et je mets mon énergie et le budget économisé dans le marketing et la promotion de ma destination !».
Çà se tient effectivement…, mais selon moi, le marketing et la promotion d’une destination par un acteur institutionnel, ne peuvent se faire qu’en lien étroit avec l’offre et la commercialisation en est une composante centrale ! La seule manière, il me semble, de faire accepter ce modèle de commercialisation (marque blanche Booking.com) sans se mettre tous ses prestataires à dos, est de rétrocéder la partie de commission perçue à l’hébergeur. Mais cela ne répond pas à toutes les problématiques pour autant :
Comment faire du marketing « produit » sans maîtriser un minimum la commercialisation? Comment commercialiser l’offre qui n’est pas sur Booking ? Comment professionnaliser les hébergeurs pour qu’ils diminuent leur dépendance vis à vis des OTA, si l’acteur institutionnel sensé les soutenir dans cette démarche, les commercialise avec Booking ? …
Tous les acteurs institutionnels n’ont pas forcement vocation à vendre, mais pour ceux qui ont à la fois la légitimité et les moyens de le faire, il me semble qu’il existe d’autres possibilités “plus éthiques” et aussi efficaces sous certaines conditions, qu’il convient d’étudier au préalable, avant de se mettre en situation “d’apporteur d’affaires” pour un seul opérateur privé.
Le débat est ouvert !
La commercialisation institutionnelle est sujet complexe et passionnant dont on débâtera une fois de plus à Voyage en Multimédia cette année. Rendez-vous jeudi 6 février 2014 au Palais des Congrès de Saint Raphaël, à 16h (atelier J10) !.