Il est souvent plus facile de se poser des questions de moyens à mettre en œuvre, et l’entreprise touristique a fort à faire en la mtière, que de faire de l’introspection…
Loin de moi l’idée d’aller flirter avec les sphères psychologiques ou philosophiques, pourtant une réflexion “métier” s’impose de plus en plus pour les entreprises.
Et si la perception que l’on a de son métier changeait fondamentalement sa stratégie de développement?
A la question :
Voici quelques réponses qui m’ont réellement été données par des professionnels du tourisme :
- « Homme à tout faire »
- « Je suis un gestionnaire et je gère l’accueil »
- « Patron – femme de ménage – barman – agent d’accueil »
- « Webmaster, électricien, standardiste, réceptionniste »
- « Vendeur de loisirs de pleine nature »
- …
Je vous passe la liste des réponses du même acabit, toutes dans la même lignée : une expression très claire de la part de ces chefs d’entreprise de « ce qu’ils font ».
Bien sûr que l’on comprend ces réponses. En côtoyant les professionnels du tourisme, qui sont pour la plupart des petites entreprises, il est évident que les professionnels qui y travaillent sont en charge de l’ensemble des taches inhérentes au fonctionnement de leur structure, et oui bien sûr le nettoyage fait partie de leur quotidien, comme l’accueil, la commercialisation, l’élagage, la plomberie…..
Mes cours de marketing et mes lectures sur le sujet me sont soudainement revenus, et il y avait la représentation schématique de l’entreprise.
Il fut un temps où celle-ci était représentée de façon pyramidale, avec au bas de la pyramide, la production de l’offre, qui ensuite « sortait » du schéma pour aller rencontrer les clients, dessinés eux, à l’extérieur de l’entreprise : une conception centrée sur soi, sur ce que l’on fait, avec un client qui fait partie du contexte, à l’extérieur.
« Je suis un fournisseur d’émotions et de souvenirs ».
C’est ce que m’a répondu un jour un chef d’entreprise, en l’occurrence un propriétaire de camping, à la question posée précédemment.
« Encore un communiquant » me direz-vous, « un gars qui sait jouer avec la sémantique »… et bien pas du tout car les mots structurent la pensée, et on est ce que l’on exprime !
Qu’a fait ce propriétaire de camping en exprimant ainsi son métier ? Il a basculé d’une vision orientée sur l’entreprise (“ce que je fais”) à une vision orientée client (“ce que je permet au client”) et c’est un changement fondamental !
Il ne s’agit pas là d’un débat philosophique, mais bien d’une vision qui change fondamentalement ce qu’est l’entreprise. Lorsque l’on bascule dans cette vision de son entreprise, d’un seul coup le client qui était dessiné à l’extérieur de l’entreprise, se retrouve au centre de celle-ci, l’entreprise se structure à partir et autour du client.
Quelles conséquences sur la stratégie de l’entreprise ?
Les conséquences de cette vision d’entreprise sont nombreuses, en communication bien sûr, mais c’est surtout la seule façon de rendre pérenne son activité, de dessiner l’évolution de son entreprise, de ne pas subir de plein fouet des évolutions techniques, technologiques, sociologiques, comportementales…
Prenons un exemple :
- Lorsque le marché de la téléphonie mobile s’est ouvert de nombreux géants se sont lancés dans l’aventure, afin de devenir des acteurs majeurs de la téléphonie mobile.
- Lorsque l’évolution technologique a fait émerger les smartphones certains de ces acteurs se sont écroulés, en effet il ne s’agissait plus du même métier, et il est très dur de « changer de métier ».
- Ceux qui n’étaient pas trop « coincés » dans une vision produit, ont pu évoluer (parfois avec difficulté) car une technologie ne définit pas un marché, c’est le besoin satisfait qui le définit.
- Et ceux qui proposaient de « rester en contact » d’abord avec des pots de yaourts et une ficelle, puis avec téléphone fixe ou un téléphone mobile ou un smartphone, et demain avec encore autre chose, ont bien plus de chance de rester des acteurs présents sur le marché.
La conception de son métier engendre donc sa capacité à évoluer
Dans le secteur du tourisme (mais pas seulement), face à des évolutions du marché très marquées et parfois très rapides, il est à craindre que ceux qui resteront ancrés sur « ce que je fais » mourront sans doute plus ou moins lentement.
Quand, comme mon propriétaire de camping, on devient un “créateur d’émotions et de souvenirs”, on n’est plus soumis aux même soubresauts du marché qu’un marchand de lits ou de mobilhomes… D’ailleurs le camping en question n’a pas un seul mobilhome, et a même choisit de ne plus utiliser le mot « camping » pour aller chercher ses clients ! Audacieux n’est-ce pas ?
Alors, quand depuis quelques années, on voit fleurir l’expression : “dans le tourisme on vend de l’expérience“, là encore ce n’est pas juste une jolie phrase, c’est un passage majeur de l’évolution de l’entreprise touristique, qui doit cesser de considérer que son activité égale son métier.
Développer son offre de façon cohérente
Une conséquence de cette vision est aussi la capacité pour l’entreprise d’arriver à développer son offre de façon cohérente, tout en travaillant la mutualisation de son énergie de développement.
Voici l’exemple d’une petite entreprise :
- Une chambre d’hôtes gérée par Madame X avec à ce jour, une chambre.
- Son conjoint est en pleine construction de son projet personnel : ouvrir un restaurant ! C’est lui qui assure la prestation “table d’hôtes” de Madame.
- De plus, Madame est sophrologue et propose à sa patientèle des balades dans la nature, à but de « mieux être » avec un accompagnement sophro.
Si l’on considère la vision “entreprise”, nous avons potentiellement :
- 3 acteurs et 3 métiers : un hébergeur – un restaurateur – une sophrologue.
- 3 développements économiques.
- 3 stratégies de développement (par exemple, aménager une autre chambre d’hôte pour l’hébergeur).
- 3 lignes de dépenses d’actions à mener.
- Bref, 3 entreprises distinctes vivant les unes à côté des autres.
Mais ces pro ont mené une réflexion qui partait d’une idée toute simple : « comment je peux essayer de faire en sorte de lier les activités entres elles afin de créer une certaine émulation et mutualisation ? »
Grâce à cette logique, les 3 métiers deviennent les domaines d’activités stratégiques d’une seule entité, qui a pour métier « de permettre de profiter en couple et de son couple ».
- Les trois activités satisfont ce besoin pour une cible choisie et clairement identifiée : les couples
- Elles sont complémentaires les unes des autres, elles vont pouvoir se nourrir les unes des autres.
- On va trouver une façon très concrète de l’expression de cela, avec par exemple un slogan commun, une signature commune, une charte graphique commune, des sites web rassurant les internautes grâce à une ergonomie, du webdesign, communs, etc…
Et surtout demain, quoiqu’il se passe sur le marché, afin de « permettre aux couples de profiter », ils ont des perspectives de développement de leur offre infinies.