Un article de Véronique Vidal
Numérique sous-entend « écran »,
alors après avoir parlé de la déshumanisation et donc du besoin de ré-humaniser la relation avec ses clients, pourquoi ne pas aller un peu plus loin, et aller voir si ces écrans ne sont pas aussi parfois un écran à un déploiement d’un autre registre mais très peu évoqué dans le tourisme : le commercial.
Alors que les autres secteurs d’activités, eux…
… en difficulté eux aussi, font fleurir des petites annonces de recherche de postes de commerciaux, car c’est en effet dans des situations difficiles que l’on recentre son énergie sur le pratico rentable : le commercial, dans le tourisme le mot même n’est que très peu utilisé.
Étrange, non ?
A cette question posée à de nombreuses personnes travaillant dans le tourisme, institutionnels comme privés, la réponse unanime fut : « ce n’est pas dans notre culture ».
Certes mais pourquoi n’est-ce pas culturel, alors ?
En creusant un peu plus la question, deux raisons majeures se profilent :
- La première bien sûr, est complètement liée au contexte « marché » : le secteur du tourisme a vécu de longues et belles années durant lesquelles, il était nécessaire de se concentrer sur la problématique majeure du tourisme : l’accueil, et durant lesquelles, les clients arrivaient jusque chez nous sans que l’on se pose trop la question du pourquoi, du comment.
- La deuxième raison, se trouve dans les parcours de formation « tourisme », mettant très peu, voire pas du tout l’accent sur ces problématiques, et fournissant donc au marché des RH, peu aguerries à ce type d’exercice. Cette raison est évidemment complètement liée à la première.
Il est étonnant de voir, le décalage fort qu’il peut y avoir dans les ressources mobilisées afin de résoudre des problèmes de retombées économiques, de rentabilité entre les acteurs du tourisme et leurs camarades d’autres secteurs.
La révolution numérique est peut être aussi une source d’explication, en effet les acteurs du tourisme doivent en plus faire face à une exigence d’évolution d’une rapidité effarante vers le numérique, et forcément on ne peut pas tout faire à la fois….
Cependant, cette culture si spécifique au tourisme ne fausse-t-elle pas un peu parfois la hiérarchisation des priorités ? Ou n’occulte-t-elle pas certaines approches nécessaires aux vues de l’évolution des marchés, et des difficultés économiques que rencontrent les acteurs, et surtout, bien sûr, les entreprises touristiques.
Voici deux exemples d’entreprises ayant mis en place des actions à forte vocation commerciale
Tout d’abord cette jeune femme dans un camping, qui vient d’un univers professionnel très différent : commerciale dans une entreprise de produits bureautiques (ceci explique certainement cela), et qui s’investit désormais dans le développement du camping familial.
Une des premières choses qu’elle a mise en place : elle rappelle chaque personne ayant ouvert un panier, mais qui ne l’a pas finalisé : elle obtient plus de 50% de validation des paniers non terminés par cet appel. La réaction des clients est très bonne : ils ont en effet parfois arrêté leur parcours car une interrogation leur est soudainement apparue à laquelle ils n’ont pas la réponse, la jeune femme explique, rassure, et accompagne à la vente. Il s’agit parfois d’un problème « technique », le client s’est perdu, a un doute, là encore l’appel est très bien perçu.
Et si jamais, le client a vraiment changé d’avis, alors il en sera pour avoir discuté simplement et aimablement avec la jeune femme.
Ce qui est très intéressant dans cet exemple est tout d’abord le fait qu’une action très simple, et très peu complexe –décrocher son téléphone- a un impact immédiat et très rentable. Mais aussi le fait que cette jeune femme a tenté, en vain, de faire faire ce travail au personnel d’accueil : les réactions ont été assez vindicatives : « je ne peux pas « embêter » les gens chez eux comme ça ! » Ce serait pourtant tellement logique, que la personne que les clients ont au téléphone soit celle qui les accueille lorsqu’ils arrivent. Le choc des cultures…
Un autre exemple, pour illustrer cela : une autre jeune femme a été recrutée par un « Resort hôtel- spa- restaurant ».
Sa mission était initialement très « technique » : gérer et exploiter la base de données en utilisant principalement l’e-mailing.
Une jeune femme avec un profil très « geek », qui s’est grandement impliquée dans sa mission. Mais en plus d’ e-mails « séduisants », d’un travail avec des offres « intéressantes », d’un site web et des landing pages « efficaces », elle a rajouté grâce au tracking de la relance téléphonique selon les liens cliqués dans les mails…
Une dingue du « jusque-boutisme » direz-vous ? A ce jour cette personne a impacté de façon très importante le CA du Resort, son patron ne regrette absolument pas son recrutement.
Quel est le point commun entre ces 2 jeunes femmes : elles osent et n’ont pas peur des refus !
Ce n’est pas rien, au contraire, c’est un des premiers freins à l’action commerciale :
s’entendre dire « non », « cela ne m’intéresse pas », « c’est trop cher pour ce que c’est »…. sont autant de réponses fort désagréables avec lesquelles il faut composer lorsque l’on se frotte à l’exercice.
Enfin, et parce que l’accueil a été tellement au centre des préoccupations des acteurs, et ce à juste titre, cette dimension « commerciale » est parfois perçue par les acteurs comme une agression envers leurs clients, ce n’est pas dans leurs attributions et ne correspond pas à la conception de leur métier.
Alors oui, ce n’est pas culturel, ce n’est pas la vision que l’on peut parfois avoir de son métier, mais ces exemples, et surtout l’évolution du marché et le besoin en retombées économiques soulèvent la question suivante : est-ce que on ne se perd pas un peu dans les priorités ? surtout quand on valide que le concept même d’une vente, c’est comme un mariage, tout le monde y trouve son compte.