Dans une publication du secteur des hôtels en ligne que j’ai lue ce mois-ci, je suis tombé sur une affirmation qui m’a quelque peu déstabilisé.
Un vétéran du secteur que j’admire grandement suggérait aux hôtels de consulter les OTA pour obtenir des conseils sur la gestion de leurs revenus. J’ai bien sûr enquêté sur ce qu’il voulait vraiment dire par là, car il me semblait que ce conseil risquait de mener les hôteliers sur la mauvaise voie.
Avant de commencer, je souhaiterais préciser une chose. J’adore les OTA. Ces agences de voyages en ligne sont une excellente plateforme de distribution, qui peut vous aider à gérer votre hôtel. C’est à vous de l’utiliser de façon à répondre à vos besoins stratégiques.
Laissez-moi à présent vous confier mes inquiétudes sur la gestion de vos revenus par une OTA.
COMPÉTENCES D’UN CHEF DE MARCHÉ D’OTA
Plusieurs questions me viennent à l’esprit…
• En quoi le chef de marché d’une OTA serait-il qualifié pour conseiller un hôtel sur la gestion de ses revenus ?
• A-t-il/elle une solide expérience en la matière ?
• Depuis combien de temps travaille-t-il/elle dans le secteur ?
• Est-il/elle objectif(ve) concernant les besoins de l’hôtel ?
• Connaît-il/elle l’impact qu’auront ses conseils sur le résultat de l’hôtel, la segmentation du marché, les coûts de distribution, etc. ?
(Attention : Il existe naturellement des exceptions qui infirment cette généralisation…)
Bien sûr, ce chef de marché pourra vous donner des informations concernant l’évolution de la demande vers votre destination et les perspectives pour les mois à venir. De plus, si vous êtes dans une situation difficile et que vous avez besoin de remplir davantage votre hôtel, il/elle pourrait même être capable d’améliorer votre visibilité pour augmenter votre nombre de visiteurs.
OBJECTIF COMMERCIAL D’UNE OTA
Il convient de se demander quels sont les objectifs d’une OTA et ainsi reconsidérer leurs conseils pour bien les comprendre. C’est plutôt simple : les OTA recherchent la croissance et les parts de marché. Elles veulent augmenter le nombre de réservations, la durée des séjours et les revenus qu’elles proposent dans chaque part de marché. Elles veulent faire réserver davantage de chambres dans votre hôtel que leur concurrent.
De mon point de vue, c’est cela qui les rend quelque peu désabusées sur la question, ou en tout cas moins qualifiées pour vous donner des conseils sur la façon de gérer votre hôtel.
D’après mon expérience, de nombreux chefs de marché d’OTA ne font que suivre les instructions qu’on leur a données concernant la gestion d’hôtels. Ces instructions ont été mises au point par l’équipe de gestion de l’OTA afin d’atteindre leurs propres objectifs commerciaux.
PASSONS MAINTENANT À LA PRATIQUE POUR VOUS FAIRE COMPRENDRE MON POINT DE VUE.
Il était une fois un hôtel qui ne se portait pas très bien Chez Xotels, nous avons donc décidé de prendre en charge la gestion de ses revenus pour reprendre en main son résultat.
Nous avons analysé les modes de réservation, la segmentation, la performance de marché, la stratégie de tarification compétitive, le positionnement en ligne et la performance de cet hôtel.
L’un des points les plus difficiles fut que le marché avait souffert d’une importante baisse de la demande, et que l’offre de chambres était trop importante. De plus, la construction d’un pipeline avançait tranquillement.
Il ne s’agissait donc pas d’un environnement idéal, de toute évidence…
Nous avons alors développé une stratégie pour devenir plus compétitifs et nous montrer plus malins que nos concurrents. Nous avons remarqué durant notre analyse que tous les hôtels surveillaient attentivement le BAR (Best Available Rate, ou Meilleur tarif disponible) de leurs concurrents. Ainsi, toute modification de nos prix était rapidement suivie par la concurrence. Nous étions entrés dans un cercle vicieux menant à une guerre des prix de plus en plus bas.
Ce n’était donc pas la meilleure façon de procéder pour notre hôtel.
Nous avons alors décidé de jouer un petit coup de poker. Je voulais voir à quel point nos concurrents nous suivraient, de façon à savoir si nous pouvions les rouler avec quelques tactiques peu conventionnelles.
Nous avions remarqué que tous les meilleurs tarifs disponibles de nos concurrents concernaient des catégories de chambres non remboursables. J’ai supposé que personne ne remarquerait la différence si nous changions nos conditions. Nous avons donc décidé de suivre les tarifs de chambres non remboursables des autres hôtels, mais avec des conditions plus flexibles, en permettant l’annulation de la réservation jusqu’à 24 heures avant l’arrivée.
Il nous semblait logique que si nous voulions obtenir davantage de réservations, il nous fallait un avantage compétitif sur les autres. Il s’agissait donc d’un moyen facile d’arriver à nos fins. Ainsi, nous avons changé notre « manuel de stratégie » du jour au lendemain pour que personne ne s’en aperçoive.
En moins de 24 heures, le chef de marché de l’OTA nous a téléphoné pour nous informer que cette stratégie allait se retourner contre nous, car notre positionnement sur leur site risquait de descendre, et que nous allions perdre de la demande. Il nous expliqua en effet qu’à cause de nos conditions plus flexibles, nous risquions de faire face à davantage d’annulations, et qu’en conséquence leur algorithme de classement allait nous pénaliser.
Mais nous avons campé sur nos positions (Dieu merci, ma maman m’a légué son caractère obstiné)…
Le chef de marché de l’OTA a également contacté le directeur général de l’hôtel. Cette nouvelle a bien sûr déstabilisé ce dernier, car il n’était pas à l’aise avec la prise de risque (calculée). Nous ne nous sommes pas démontés et avons continué notre stratégie. Pas sans de nombreuses discussions quelque peu désagréables, malheureusement. Mais nous avons tenu bon…
En l’espace de quelques semaines, nous avons constaté des améliorations. En toute logique, nos clients percevaient nos conditions flexibles plus attractives que les conditions non remboursables de nos concurrents au même prix sur le marché. L’algorithme de l’OTA a reconnu notre succès et a amélioré notre positionnement.
En l’espace de quelques semaines, nous sommes passés de la page 3 au milieu de la page 1 de l’OTA (sans augmenter la marge de commission). Et plus important encore, le nombre de réservations était en augmentation.
Dans le cas particulier de cet hôtel, nous sommes passés de la 13e à la 2e position en termes de RGI (Revenue Generator Index, ou Indice de revenu généré) en moins d’un an. Et nous sommes toujours leaders dans le marché en termes de REVPAR (Revenu par chambre disponible).
AUTRES FACTEURS DE RISQUES
Il existe d’autres éléments à prendre en considération lorsque vous travaillez avec une OTA, notamment le risque d’un trop grand nombre de promotions se chevauchant. Par exemple, vous pouvez choisir de proposer une réduction « 4 nuits pour le prix de 3 » pour essayer d’augmenter la durée des séjours. Au même moment, vous proposez un tarif non remboursable pour permettre une réduction aux personnes souhaitant régler à l’avance, ce qui améliore votre flux de trésorerie. Pour inciter davantage à réserver, vous proposez en plus une réduction sur la réservation anticipée.
Bien sûr, toutes ces promotions peuvent certainement améliorer la stratégie commerciale de votre hôtel. Mais faites bien attention, car très souvent ces promotions sont combinées par l’OTA. Cela signifie qu’un client qui réserverait un séjour de 4 nuits et souhaiterait régler à l’avance pourrait obtenir un tarif plus bas que ce que vous aviez prévu.
Couchons quelques chiffres sur le papier pour étayer ma démonstration :
• Votre BAR est de 100 ;
• Promotion de séjour = 4 nuits pour le prix de 3 ;
• Réduction sur la réservation anticipée = 10 % ;
• Réduction sur le règlement à l’avance = 10 %.
En combinant toutes ces promotions, le client pourrait se retrouver à payer = 60,75.
En plus, certaines OTA proposent également des réductions sur les forfaits (10 %), ce qui ramènerait votre tarif à 54,66. C’est assez loin de votre BAR de 100.
Assurez-vous donc que la structure de vos promotions est bien configurée, et que vous gardez une bonne vue d’ensemble sur vos tarifs. Nous vous conseillons aussi de ne pas proposer trop de promotions en même temps, et de vous assurer qu’elles ne sont pas cumulables. Cela vous évitera une baisse de vos prix sans vous en rendre compte.
EN RÉSUMÉ
Les approches « bateau » ou systématiques des OTA pour conseiller les hôtels ne sont pas vraiment ma tasse de thé, comme vous avez dû le comprendre.
Vous devez bien analyser le fonctionnement de votre marché et vous servir d’une OTA comme d’un outil pour atteindre vos propres objectifs.
Pour être compétitif, vous devez vous différencier, non seulement avec vos produits et services, mais également avec votre stratégie.
LES HÔTELS DEVRAIENT SUIVRE LEUR PROPRE STRATÉGIE !
J’espère que cet article vous aura fourni de meilleures perspectives sur notre façon de penser en tant que responsables de gestion des revenus.
À bientôt,
Patrick Landman @ Xotels
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