Un article de Thomas Yung

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Les hébergeurs sont aujourd’hui dans une situation bien inconfortable, une partie de cet inconfort est structurelle, une autre est conjoncturelle et enfin une dernière est de leur fait.

Comme beaucoup de secteurs, notamment touristiques, les hôteliers sont en train de subir de plein fouet la digitalisation massive de notre société, de nos relations, de nos comportements.

Lorsque je vois que même lorsqu’ils sont en groupe, les individus ne cessent de consulter leur smartphone, je me dis qu’on en est qu’au début. Je ne vous parle même pas de ceux qui ont une AppleWatch, pour eux, c’est déjà trop tard, ils sont plus souvent dans le digital que dans le réel (situation vécue cette semaine).

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Entre l’enclume et le marteau

Mais revenons à nos hébergeurs. Ils sont pris entre 2 vagues, des lames de fond, puissantes et incontrôlables. Je parle de la vague technologique et de la vague sociétale. La technologie est incarnée par Booking.com, la vague sociétale est incarnée par AirBnB !

D’un côté la technologie permet d’injecter les offres à toutes les étapes du cycle du voyageur, permet la relation numérique, permet la mobilité, permet l’exploitation de la data, permet …. Beaucoup de chose, c’est une véritable tuerie, merci Booking.com.

De l’autre côté, on trouve la promesse humaine, l’accueil chaleureux, la promesse de vivre une expérience, de visiter comme un local et non comme un touriste, de rencontrer, de partager, de l’original, de l’insolite, parfois, … bref de vivre…. Ça aussi c’est une tuerie.

Au milieu se trouvent certains hébergeurs, qui ne maitrisent pas la technologie et qui n’ont pas de promesse humaine. C’est de cela qu’il est question dans cette séries d’articles.

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Comment faire évoluer le métier d’hôtelier ?

La digitalisation a modifié de nombreux aspects du secteur touristique. Le premier aspect est que le client est devenu son propre agent de voyage. Il n’y a plus besoin de faire appel à un professionnel de l’organisation pour construire, réserver un séjour. On trouve tout sur internet, que cela soit l’offre, la réservation, la recommandation, le partage d’expérience, les comparateurs de prix, etc. je ne vous fais pas un dessin. Vous rendez-vous compte de tout le temps que l’on a libéré, à la fois chez le voyageur et à la fois chez le producteur. Tout ce temps de recherche, de construction, de relation commerciale avant le séjour a été grandement réduit. Il faut donc se demander ce que le voyageur fait de ce temps gagné. Oui, une grande partie le dépense en Facebook et CandyCrush, mais c’est surtout en recherche de l’Expérience (avec un grand E) qu’il va dépenser ce temps. Même un segment coporate, même un homme d’affaire va chercher le meilleur produit pour son argent. L’emplacement n’est plus le facteur principal (l’emplacement au sens Conrad Hilton).

En plus de devenir son propre agent de voyage et de mieux maitriser son séjour en fonction de ses envies, besoins, attentes, le voyageur s’adapte, se flexibilise. Bien souvent, l’individuel loisir ne sait même pas ce qu’il va faire le lendemain, ça va dépendre du temps, des offres qu’il trouve sur le territoire. Tout cela étant axé sur le smartphone qui lui permet cette adaptabilité. Les hébergeurs le voient bien, les clients sont connectés à leur device, le matin, au petit-déjeuner, ils préparent leur journée, ils l’ajustent, notamment en fonction de la météo et des offres. Il y a un vrai intérêt à interagir avec le client à ce stade, numériquement. C’est un des principaux enjeux de cette digitalisation, c’est la maitrise de la relation numérique avec le client, notamment en situation de mobilité, le voyageur est par définition en situation de mobilité et il faut s’adresser à lui avec ce qu’il utilise dans cette situation : le smartphone, tablettes, montres connectées, mais aussi bientôt les voitures, les vélos et tous ce qui bouge 😉

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Faire évoluer le produit

C’est la première des 4 parties de cet article. J’aborderai ensuite la nécessité de faire évoluer le rôle et la mission de l’hôtelier puis l’évolution de la communication, de la relation client pour terminer vers l’évolution de la distribution.

Le fait qu’un particulier puisse devenir producteur et offrir de l’hébergement à des voyageurs montre que le produit en tant que tel n’a plus d’importance. Il n’est plus nécessaire d’être professionnel pour produire. Le produit “unité d’hébergement” n’est plus. Il n’est tout simplement plus ce à quoi il répondait initialement : le second niveau de la pyramide des besoins de Maslow, à la sécurité, l’environnement stable et prévisible. Alors certes, certains établissements haut de gamme proposaient le 3eme niveau en répondant au besoin d’appartenance. Peu d’établissements allaient jusqu’au dernier niveau, le besoin d’accomplissement. Et c’est surement ce qu’il faut comprendre dans cette offre d’hébergements chamboulée. Le fait de dormir dans un studio loué sur AirBnb en plein paris n’est pas uniquement un choix économique, c’est un choix de rapport qualité/prix, mais aussi un choix de confort, de contact, d’immersion dans le territoire, c’est un choix qui répond aux besoins du haut de la fameuse pyramide.

C’est là que l’unité d’hébergement doit évoluer. La chambre cubique, avec salle d’eau incorporée et tout le confort ne répond qu’aux besoins du bas (de la pyramide). L’élévation du niveau de vie de la population influence aussi cette évolution. Il est impensable qu’à l’hôtel j’ai une télévision plus petite qu’à la maison, que je ne puisse pas consommer de l’internet à mort, comme à la maison et que je ne puisse pas synchroniser mon Ipad sur la télé. La chambre, tout comme le reste des lieux que je fréquente, doit devenir un lieu de vie, un lieu d’expérience. Je visitais une chambre de l’Hôtel à l’Abbaye de Fontevraud, il y a quelques semaines et les chambres sont tellement bien, équipées, agréables, vivantes que je me suis dit que les clients allaient rester dans la chambre plutôt que de visiter l’Abbaye ! Pari gagné pour cet établissement.

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De nombreux hôtels sont en passe de réussir cette transformation. On parle souvent des Mama Shelter, Serge Trigano est fière d’annoncer qu’il a fait des lieux de vie, avec des chambres au-dessus. Mais on peut aussi parler des hôtels OKKO et l’absence de restaurant, de hall, de bar, de salle de petit déjeuner, mais un seul espace, nommé le Club qui réunit toutes ces fonctions. Chez Okko, il n’y a pas de réceptionniste, de serveur, il n’y a que des hôteliers prêts à rendre service. Et des marques comme cela, on en trouve dans la “petite” hôtellerie” avec le groupe Elegancia et à l’international avec Citizen M et Virgin Hotel. Ces établissements ont une offre, ils proposent des lieux des vies, des lieux communautaires, ouverts sur l’extérieur, ils ont des “univers”, ils proposent des évènements, culturels ou autres, ils offrent un honesty bar (voir même des free soft drink), une machine Nespresso en chambre, du snaking à toute heure (et non l’éternel club sandwich), ils font de l’accueil personnalisé, humain, chaleureux et sincère. Personne n’est là pour vérifier vos N° de CB ni pour vous facturer 1.5€ car vous avez reçu un fax !

Voilà comment Solène Devys, directrice marketing de OKKO, présente le concept (Entreprendre.fr)
OKKO Hotels propose une offre tout compris, notamment la chambre et le club composé d’un grand espace de 250 à 350 m². Le but est de s’y sentir comme à la maison avec un salon pour travailler, une bibliothèque et une grande salle à manger avec réfrigérateurs, machines à café… à disposition. L’offre comprend le petit déjeuner, le snacking dans la journée et l’apéritivo comme en Italie le soir. Notre objectif est de ressembler le moins possible à un hôtel“.
De l’autre côté, les établissements positionnés sur le bas de la pyramide de Maslow, explorent encore plus leur offre, Hotel F1 et Eklo Hotels viennent de tester la vente de nuit au lit, c’est-à-dire en dortoir, pour 19€ la nuit.

Une évolution manifeste du produit hôtelier et de son espace d’accueil !

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Le client produit pour le client

En décembre dernier (2015), Voyages SNCF annonçait mettre en place un service collaboratif pour jeunes voyageurs. Jusque-là, les jeunes voyageurs étaient un “produit” SNCF pour faire prendre le train seul à un jeune enfant. Plusieurs enfants étaient regroupés dans un même train et un accompagnateur professionnel était chargé de les encadrer. Service payant bien évidemment. Le coté collaboratif que souhaite mettre en place Voyages SNCF est de trouver un adulte, particulier, non professionnel, dans le train que doit prendre votre progéniture pour lui confier votre enfant. Cela vous coute moins cher, c’est plus flexible et l’accompagnateur gagne un peu. Le client se met donc à produire un service complémentaire, que la SNCF produisait avant. On entre dans la production de services par le voyageur et pour le voyageur.

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Il est alors intéressant d’explorer ce que les hôteliers vont pouvoir mettre en place. Le couple italien de la 314, qui sillonnent l’Europe est peut-être prêt garder le fils de la chambre 256 en échange de quelques euros. Le jeune de la 114 peut peut-être laver ma voiture sur le parking de l’hôtel, en tout cas je suis prêt à rémunérer quelqu’un pour cela. Ça améliore le service, ça permet à des segments d’alléger la facture, ça promet du lien entre les voyageurs, il faudra veiller aux dérives, il ne faut pas que la chambre 269 propose des massages en chambre à tout va 😉

L’hôtelier est entre la marteau et l’enclume, il est pris entre la technologie et l’humain. La première évolution de son métier est de faire évoluer le produit, à la fois la chambre en tant qu’unité d’hébergement, mais aussi les parties communes pour créer enfin des lieux de vie et non un hall d’accueil qui sert de réception et qui fait penser au guichet de la douane lorsque j’arrive aux Etats-Unis sans visa ! Il n’y aura pas d’épanouissement de la clientèle ni d’expérience dans nos “vieux” hôtels traditionnels, certes fonctionnels, mais ne répondant plus aux besoins, re-pensez Maslow !

Dans le prochain article, je me pencherai sur l’évolution de la mission et du rôle de l’hôtelier sur son territoire … a très bientôt

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