Ceci est un post de Stéphane Pingaud.
Sur le plan professionnel, il a collaboré pendant 12 ans avec Amadeus et a une grande expérience de consultant international pour des start-up et des acteurs technologiques.

Actuellement, il est en mission pour l’IATA (International Air Transport Association)

Sont post original est ICI et sa bio est ICI.

Stéphane écrit dans son blog The Startup Cycler’ (www.thestartupcycler.com)

Bonne lecture

Stephane PingaudLE RÔLE CROISSANT DES DMO COMME CANAL DE COMMERCIALISATION
Il y a quelques semaines, je me trouvais à Val Thorens, où je profitais du week-end d’ouverture de la saison de ski 2013-2014. Val Thorens étant l’une des destinations avec lesquelles j’étais en contact lorsque j’effectuais du conseil pour Inntopia, un fournisseur de solutions de vente et de réservation pour des destinations de loisir (plus spécifiquement de ski) en 2011-2012, j’ai profité de l’occasion pour interroger l’hôtel où je séjournais à propos de son expérience par rapport au nouveau système de vente et de distribution que cette destination avait finalement choisi et mis en œuvre avec les professionnels du tourisme et de l’hébergement locaux.

La réponse de la propriétaire de l’hôtel a été directe : « horrible ! » (elle faisait référence à son expérience de téléchargement et de mise à jour des données hôtel, chambre, tarifs et disponibilités).
Un segment nécessitant encore des innovations

Cette courte expérience a confirmé que la situation avait peu évolué au cours des deux dernières années. Les organismes de gestion des destinations (destination marketing organization, DMO), ou conseils du tourisme, sont encore en retard en termes d’innovation et de vente en ligne et restent donc bloqués dans leur rôle de communication et de promotion. À une époque où les subventions publiques risquent de diminuer, cette situation va devenir problématique car ils seront forcés de trouver des sources de financement.
Même les destinations touristiques les plus ambitieuses éprouvent des difficultés à effectuer le transfert de compétences des services de promotion et de tourisme des autorités locales vers de véritables circuits de vente et de distribution à valeur ajoutée pour leurs partenaires locaux : hôtels, locations de vacances, fournisseurs d’activités et de transports locaux, promoteurs d’événements.

Ce phénomène s’explique évidemment par différents facteurs, mais la raison essentielle est toutefois l’état d’avancement des technologies utilisées par ces organismes pour effectuer leurs ventes.

La plupart du temps, les solutions utilisées ne leur permettent pas :
• d’apporter un niveau d’expérience utilisateur et de performance aux voyageurs qui planifient et réservent leur voyage dans une destination via le site Internet et les centres d’appel des DMO comparable à celui offert lors de la planification d’un voyage via d’autres circuits tels que les agences de voyage en ligne (online travel agency, OTA).
• d’offrir à leurs partenaires locaux dans le domaine du tourisme qui gèrent leur distribution via des circuits de DMO un niveau de commodité, de productivité et d’efficacité comparable à celui d’une gestion de leurs ventes directes et indirectes via des OTA.

Quelle en est la raison ?

C’est tout simplement parce que pour la majorité d’entre eux, les DMO utilisent des solutions développées en interne ou par des fabricants de logiciels locaux disposant de ressources, de compétences et de financements limités. Par ailleurs, ces produits ont souvent été développés il y a plus de 10 ans et n’ont pas forcément été mis à jour pour répondre aux normes actuelles en termes d’UX et d’UI, d’intégration à des logiciels tiers, ainsi que de fonctionnalités de réservation et de services. C’est la raison pour laquelle aucun d’entre eux n’est en mesure de répondre de manière satisfaisante aux problématiques mentionnées ci-dessus, ce qui a entraîné d’importantes frustrations au sein des communautés de fournisseurs de voyage locaux et, de façon croissante, au niveau des agents des DMO et des conseils du tourisme.

À cet égard, un article récent paru dans Tnooz offre une assez bonne présentation de ce segment ainsi que des enjeux auxquels il se trouve confronté en matière de vente et de distribution.

La pénétration du marché par les OTA
Cet article évoque également les opportunités recelées par le segment des DMO. Le pouvoir de certaines marques de destination et leur accès privilégié à des fournisseurs d’hébergement et d’activités locaux font de leurs sites Internet et de leurs centres d’appel l’une des premières étapes, si ce n’est la première, du processus de planification d’un voyage (à condition évidemment que le voyageur recherche une destination spécifique). C’est incontestablement le cas pour les destinations de sports d’hiver et éventuellement pour un nombre croissant de destinations urbaines.
Les OTA sont conscientes de ce phénomène ; Expedia a clairement identifié le rôle des OTA dans la planification des voyages dans son rapport intitulé « Exploration du chemin du voyageur vers l’achat » (Exploring The Traveller’s Path To Purchase), publié il y a quelques mois. Il n’est donc pas surprenant que Booking.com ou Orbitz s’implantent sur ce segment avec un certain succès puisque d’importantes destinations touristiques telles que New York, Chicago ou Seattle utilisent désormais les solutions en marque blanche de ces OTA pour la distribution d’hôtels via leurs sites.

Il ne s’agit pas uniquement d’hôtellerie
La raison pour laquelle je suis convaincu que les DMO et les conseils du voyage vont devenir des revendeurs de voyage à valeur ajoutée est qu’ils sont actuellement les seuls à offrir un accès facile à une vaste gamme de produits touristiques locaux, allant des hôtels aux locations de vacances, en passant par les moyens de transports, les événements, les activités, les forfaits de remontées mécaniques (pour les destinations de sports d’hiver), etc. Il faut pour cela qu’ils soient équipés des technologies et des outils adaptés.

Les technologies et les outils adaptés permettront d’offrir les éléments suivants :

1. Une expérience utilisateur exceptionnelle : pour pouvoir concurrencer de manière efficace les autres circuits et exploiter leur argument de vente unique, les sites Internet des DMO vont devoir se hisser au niveau des OTA en termes d’UI et d’UX, d’aspect et de convivialité, ainsi que de performances. Du point de vue du back-office, la solution doit être conçue de façon à ce que des utilisateurs non spécialistes parmi les fournisseurs de voyage locaux et les DMO puissent l’utiliser à la suite d’une formation limitée ou sans aucune formation.

2. Intégration aux systèmes de gestion hôtelière (PMS) ou au circuit de distribution : la clé du succès de la solution réside dans un impact minimum sur le processus actuel du fournisseur de voyage. Si le responsable doit mettre à jour ses données produits, ses tarifs et ses disponibilités dans différentes bases de données, le processus d’adoption par les partenaires locaux sera lent et entraînera un retour sur investissement négatif.

3. L’exhaustivité de la plateforme : le produit doit non seulement permettre la vente de tous les types de produits touristiques, mais idéalement, il doit également inclure des fonctionnalités facilitant la vente via les appareils mobiles et les réseaux sociaux, ainsi que faciliter le référencement/marketing par moteur de recherche et les analyses. Par ailleurs, si la même plateforme est utilisée à la fois par des DMO et par des fournisseurs de voyage individuels, le voyageur profitera d’une expérience d’achat homogène, qu’il se rende directement sur les sites Internet des fournisseurs ou sur le site de la destination, créant ainsi un « écosystème de distribution local » très efficace.

4. Une fonctionnalité compatible avec les packages : l’une des caractéristiques des DMO est leur capacité à proposer des packages et des offres promotionnelles uniques, en collaboration avec leurs partenaires locaux. Une technologie adaptée doit leur permettre de créer et de gérer ces offres facilement, sur place, et évidemment d’évaluer leur succès.
Qui gagnera la bataille technologique des DMO ?

515-IMG_3040  Flickr creative commons
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Il existe selon moi trois catégories de sociétés qui sont les mieux placées pour répondre aux besoins des DMO et des conseils du tourisme :

1. Les systèmes de distribution internationaux
Ces sociétés disposent des compétences, de la crédibilité et des ressources nécessaires pour devenir des acteurs clés sur ce segment et fournir une plateforme de vente et de distribution complète, basée sur leur savoir-faire en matière d’agence de tourisme et d’autres segments de revente. Par ailleurs, cela leur apporte des produits de voyage locaux de valeur qu’elles peuvent ensuite exploiter grâce à leurs réseaux internationaux de points de vente.
Ceci dit, les trois systèmes de distribution internationaux sont devenus d’importantes organisations et bien souvent, la spécialisation, la flexibilité et la réactivité ont tendance à disparaître à mesure que la taille augmente, ce qui les empêcherait d’être suffisamment rapides et de concurrencer de manière efficace les deux autres catégories.
En outre, la cible première des systèmes de distribution internationaux demeure les voyages d’affaires, ce qui limite leur capacité à percevoir la valeur réelle résidant dans des investissements et donc une implication dans des projets relatifs à des voyages de loisir. Toutefois, si un système de distribution international décidait de s’intéresser à ce segment, j’estime que c’est Travelport qui est le mieux placé (avec sa stratégie axée sur la vente et la distribution et ses investissements dans des produits tels que Rooms and More).

2. Les marques de voyage
Comme il a été mentionné ci-dessus, certaines OTA (Booking, Orbitz) envisagent désormais le segment des DMO comme un secteur de croissance pour leur filiale/entreprise en marque blanche. Etonnamment, Expedia ne semble pas s’être dirigé vers ce segment pour le moment, même si le groupe possède selon moi un atout dont ne disposent pas ses concurrents : une base de données regroupant des prestataires d’activités par le biais de sa branche Expedia Local Expert. Si le groupe combinait son contenu hôtels et son contenu activités en une même offre, cela constituerait une proposition extrêmement intéressante pour les DMO.

Il ne fait aucun doute selon moi que les OTA sont mieux positionnées pour répondre aux besoins de ce segment, pour les raisons suivantes :

1. La plupart des hôtels (et éventuellement les prestataires d’activités dans le cas des OTA) utilisent le circuit OTA et il n’y aura donc aucun impact sur les processus de l’hôtel en matière de gestion des données (que ce soit de manière directe via l’application back-office de l’OTA ou grâce à des outils de gestion du circuit).

2. Les OTA sont les plus avancés en termes d’UX/UI et de performances, les voyageurs profiteront donc d’une expérience d’achat similaire.
Pour en revenir à mon sujet précédent, des partenariats entre des marques de voyage possédant des axes différents en matière d’hébergement, de visites et d’activités pourraient également constituer une solution. Il suffit d’observer le partenariat récent entre Interhome et GetYourGuide pour imaginer une plateforme où les DMO et les conseils du tourisme pourraient accéder aux prestataires d’activités et aux propriétaires de locations de vacances de leurs propres destinations si ces derniers utilisent Interhome et GetYourGuide pour effectuer de la vente indirecte.

3. Marketing hôtelier et prestataires de solutions technologiques de vente
Des startups telles que buuteeq aux États-Unis, ou CloudArena en Turquie (et je suis certain qu’il existe beaucoup d’autres startups de ce type qui ciblent ce segment spécifique) commercialisent un logiciel tout-en-un permettant principalement aux hôtels indépendants de :
• créer un site Internet répondant aux dernières tendances en matière d’ergonomie et de graphisme ;
• mettre à jour leurs disponibilités, leurs tarifs et leurs informations produits ;
• générer et traiter des réservations en ligne via les réseaux sociaux et les appareils mobiles ;
• gérer leur référencement/marketing par moteur de recherche ;
• suivre leurs ventes et leurs performances grâce à des analyses.

Si ces startups étendaient leur action aux prestataires d’activités et aux autres fournisseurs de voyage locaux ayant des besoins similaires (et probablement moins sophistiqués) et créaient une plateforme qui rassemble ce contenu local et permette aux DMO de vendre ce contenu diversifié via leurs propres circuits (CloudArena a acquis cette capacité grâce à son produit OTA Magic), elles pourraient offrir des outils permettant de créer l’« écosystème de distribution local » auquel je faisais référence précédemment et éventuellement devenir un fournisseur de technologies de choix pour le segment touristique des destinations.

Mais pour que cela devienne possible, elles devront toutefois passer un test de crédibilité, les DMO et les conseils du tourisme ayant tendance à éviter les risques, et donc le changement, surtout lorsqu’ils sont financés par des fonds publics. Par ailleurs, il est incontestable qu’une telle évolution impliquerait de relativement s’écarter de leur mission et de leur plan d’activité initiaux, ce dont certaines n’auront peut-être pas envie.
Toujours est-il qu’il existe d’importantes opportunités qui attendent d’être saisies !

N’hésitez pas à consulter mon profil Linkedin si vous souhaitez en savoir plus sur mon parcours professionnel.

Et si vous souhaitez me contacter, voici mon adresse e-mail : spingaud[at]gmail[dot]com.

À bientôt !

Crédit photo Clemens v. Vogelsang via Flickr Licence Creative Commons.

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